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Interviews

 

Interview d'une personne de la Confédération paysanne

 

Selon vous, quels sont les impacts négatifs de l’exploitation des 1000 vaches ?

“La première chose c’est que ça détruit l’emploi : l’usine divise l’emploi par quatre. Ils créent une quinzaine d’emplois pour 1000 vaches. Or la moyenne des exploitations françaises est de 2,1 emplois pour 50 vaches, donc si on fait l’équivalent pour 1000 vaches ça correspondrait à une quarantaine d’emplois. Sur la partie laitière, il n’y a qu’une dizaine d’emplois qui sera créée à la fin.

La deuxième chose, c’est le prix du lait. C’est un aspirateur à subventions, ça capte énormément de subventions, que ce soit pour la méthanisation, le rachat d’électricité, au niveau fiscal, au niveau de la PAC. Ça capte énormément d’aides. Et en fait derrière ils sont eux en mesure d’avoir un prix du lait de 270-280€ la tonne, alors qu’une exploitation classique française elle a besoin de 350€ la tonne pour vivre. Donc qui dit une usine de 1000 vaches dit à terme il n’y aura plus que des usines de 1000 vaches.

C’est un projet agricole qui capte énormément de foncier, ils ont besoin de 3000 hectares pour épandre leur digestat ; en plus de ça ils ont acquis le foncier à la limite de la légalité. Il y a eu des montages sociétaires, en montant des sociétés agricoles, ce qui fait que la terre ne va plus aux agriculteurs mais aux industriels. Un des problèmes c’est que c’est un industriel.

Autre problème : la méthanisation. A cette échelle là c’est une fausse bonne solution. Quand on est aussi industriel, il faut qu’il épande son digestat. Donc sur 3000 hectares. Il y a les flux que ça va générer avec les tracteurs, camions de lait, tout ça pour un lait qui ne sera pas forcément consommé localement mais potentiellement à l’autre bout de la planète. Peut-être du lait en poudre qui sera exporté en Chine donc avec un bilan carbone catastrophique.”

 

Et par rapport au respect de la législation ?

“On pense que le dossier est très illégal et qu’il est régularisé à chaque fois et couvert par la préfecture et par le tribunal administratif.”

 

Pensez vous que ce modèle va se développer avec le temps, ou au contraire qu’il est voué à disparaître au niveau français ?

“Il y a deux avis en la matière. Le premier c’est que c’est le cas le plus emblématique de l’agrandissement des exploitations depuis 60 ans : les exploitations s’agrandissent. Dès qu’il y en a un qui part à la retraite, sa ferme part à l'agrandissement. On a donc des fermes qui ont fait quasiment fois dix depuis une cinquantaine d’années. Et là les 1000 vaches ça va être la plus grosse exploitation agricole française. Et nous on a tendance à dire que lorsqu’il n’y aura plus que deux exploitations agricoles en France, il y en aura toujours une de trop. C’est le principe de la compétition. Ça entraîne l’agrandissement des autres exploitations. Les exploitations se bouffent les unes avec les autres, et que globalement il n’y a pas de fin à ça.  Et quand on voit qu’en Arabie Saoudite il y a une ferme-usine de 40000 vaches laitières on se dit qu’il n’y a pas de fin à cet agrandissement des exploitations. Par contre, cette exploitation est venue aussi notamment parce qu’elle est très consommatrice d’argent public. Donc tout dépend de la politique agricole qu’on va mener. Si on veut avoir des usines à 1000 vaches, il faut qu’on continue dans la même direction et naturellement on va arriver à des usines à vaches, des usines à légumes, des usines à tout ce que vous voulez mais il n’y aura plus de paysans en fait. C’est ça l’enjeu.”

 

Selon vous, quel est le devenir de cette exploitation dans les prochaines années ?

“Nous on pense qu’aujourd’hui elle n’est pas rentable, à voir combien de temps ils vont tenir, surtout en pleine crise laitière. Mais on sait qu’une fois que le prix du lait va augmenter ils vont poursuivre.

Si la société civile et les responsables politiques s’opposent pas à ce projet, il restera en place. Et il y en a d’autres qui vont apparaître un peu partout en France. C’est le cas en Allemagne, aux Etats-Unis, et partout sur la planète en fait. Ce type de projets ça fleurit partout.”

 

 

Interview d'un intervenant en lycée agricole

 

Que savez vous du projet de la ferme des milles vaches ?

"Je ne l’ai pas suivi de près, mais je sais qu’il y a des questionnements et des manifestations autour du projet.

Le système ne serait pas très autonome, car il faut beaucoup de terres d’épandage. Il y a également un projet de méthaniseur pour gérer les déjections."

 

Selon vous, quels sont les avantages du projet ?

"Le projet ne semble pas favorable, car il y a une tendance à un agrandissement des structures pour faire baisser les coûts de production, on assiste a une guerre sur la production des laits et produits laitiers.

On distingue aujourd’hui deux voies :

  • une restructuration autour de plus grosses fermes

  • des systèmes à plus grande valeur ajoutée (bio) où on privilégie le producteur et l'environnement.

On travail plus sur la valeur ajoutée que sur le rendement.

Au milieu, on a une marée d’agriculteurs qui ne savent plus trop ou donner de la tête, et ne savent pas trop vers quelle voie se diriger."

 

Selon quels sont les impacts négatifs du projet ? (Environnementaux ? Sociaux ? Sanitaires ? Éthiques ?)

"Je n’ai pas tous les éléments pour répondre à cette question. Mais les gros élevages entraînent une concentration d’animaux et donc le problème de la concentration des effluents, il faudrait donc avoir suffisamment de terres pour les épandre. Et le traitement de la méthanisation ne règle pas le problème de l’azote et les problèmes de pollution par les nitrates.  

Du point de vue agronomique, il y a un appauvrissement de milieu d’un coté et un enrichissement de l’autre.

Du point de vue social, ils embauchent des gens peu payés, on a une tendance à mettre des gens dans des situations précaires. Derrière, il y a des capitaux investis, sur une logique où on attend que les prix ré-augmentent."

 

Même si vous ne vivez pas sur le département où a lieu le projet, vous sentez vous concerné par cela ?

"C’est une lutte symbolique, le fait que ce soit accepté, que ce soit mis en place et qu’il n’y ait pas de résistance, pourrait entraîner d’autres projets de ce type à se mettre en place. Donc ça concerne tout le monde, afin d'empêcher cette évolution de l’agriculture qui n’est pas souhaitable."

 

Pensez-vous que ce soit la bonne manière d'envisager l'élevage ? Feriez vous de même avec un élevage ?

"Il y a la notion d’animal machine, nous ne sommes plus dans l’élevage, mais dans une production industrielle. La question de l’animal dans l’élevage est devenu une question complexe, l’élevage concentrationnaire est une atteinte à l’animal. On s'intéresse à l’animal, plus que pour sa production et donc c’est dangereux pour l’homme, car quand on a 1000 vaches, on n’a plus de relation avec l’animal."

 

Pensez vous que ça va se développer avec le temps, ou au contraire que c'est voué à disparaître ?

"C’est difficile à savoir, il y a une forte tendance à la restructuration de l’agriculture qui s’accélère. La taille des fermes augmente et les moyens de production se concentrent."

"Au États-Unis ou ailleurs en Europe, il y a d’autres grosses concentrations d’élevage, c’est quelque chose qui sera là dans le futur. Mais cela dépendra de la réaction des consommateurs, des citoyens, de l’Union Européenne, et de ce qu’ils autoriseront à faire. Il y a 15 ans, on a réussi à limiter les OGM en France par exemple.

La ferme des mille vaches rentre dans une tendance capitaliste de l’agriculture et donc dans une concentration du capital. La France n’est pas encore un pays complètement libéral, donc il y a des réserves et si les citoyens sont contre, ça peut faire évoluer les choses dans le bon sens, ce n’est pas quelque chose d’inéluctable, ça dépend de nous."

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